Former et étudier avec le numérique dans le supérieur

Mois : août 2020

Utiliser le numérique en présentiel : 20 points à checker avant votre rentrée !

Vous êtes nouveau formateur, occasionnel peut-être, ou encore formateur expérimenté sur le point d’intervenir dans un nouvel établissement ? Si vous êtes un habitué des outils numériques, vous pouvez être très surpris de voir à quel point certains organismes et/ou étudiants sont en retard dans ce domaine. Pour ne pas vous retrouver démuni lors de votre première intervention, il est indispensable de mener quelques vérifications auprès de l’établissement, de contacter les étudiants… et de prévoir des solutions de backup. Better safe than sorry!

À vérifier auprès de l’organisme de formation

  • Les salles sont-elles équipées de visio-projecteurs, ou pouvez-vous, a minima, emprunter un visio-projecteur portable ?
  • Quelle est la configuration de la salle dans laquelle vous effectuerez votre première séance (écran, disposition des tables…) ?
  • Le WiFi (avec un bon débit) est-il accessible dans toutes les salles – et plus précisément dans celle où vous allez faire vos interventions ? Les salles sont elles équipées de prises réseau (ethernet) pour une connexion filaire à Internet ?
  • La 3G/4G est elle bonne dans toutes les salles de l’établissement ?
  • L’installation électrique est-elle calibrée pour prévoir le branchement des portables ? Le nombre de prises est-il suffisant ? L’établissement dispose-t-il de multiprises et rallonges, si besoin ?
  • Quelles sont vos informations de connexion (identifiant et mot de passe) pour utiliser le réseau de l’établissement ?
  • Les étudiants auront-ils déjà leurs accès au réseau ?
  • Y a-t-il un guest access pour ceux qui n’ont pas encore leur compte personnel (vous, le cas échéant, et les étudiants dont l’inscription n’est pas finalisée) ?
  • L’établissement a-t-il une plateforme d’apprentissage en ligne ? Et, si c’est le cas, mêmes questions que plus haut concernant les informations de connexion…
  • Les étudiants (et formateurs, d’ailleurs) ont-ils accès à une offre logicielle via l’école (office 365…), et auront-ils leur accès au moment de votre intervention ?
  • De quel matériel personnel les étudiants sont-ils habituellement équipés (portables, tablettes…) ?
  • L’établissement propose-t-il des ordinateurs de prêt pour les étudiants qui n’en ont pas, ou l’ont oublié ?
  • Avez-vous un moyen de contacter vos étudiants directement avant votre première séance (adresses mail, notamment), pour leur demander de se munir de leur portable ? Si ce n’est pas le cas, pensez à demander à l’établissement de le faire pour vous.

À demander aux apprenants

  • Se munir de leur ordinateur portable ou, à défaut, d’une tablette.
  • Avoir certaines applications indispensables, dont vous donnerez la liste (traitement de texte…). Essayez de limiter cette liste au strict nécessaire, pour donner des informations plus précises lors de votre premier cours. Vous pourrez alors mentionner l’existence de produits libres, les orienter sur des tutoriels pour les installations d’applications… qu’ils seront priés de faire pour la séance suivante.

Et de votre côté ?

  • Démarrer avec une digitalisation « light » pour la première séance.
  • Prévoir la connectique indispensable… et de secours… dans votre sac (clé USB, multiprise, rallonge, adaptateur VGA/HDMI…).
  • Avoir votre smartphone chargé, prêt à être dégainé pour vous servir de point d’accès WiFi  !
  • Envisager la possibilité, pour les apprenants, de faire les activités de la séance à partir d’un smartphone (affichage responsive, notamment…).
  • Prévoir des … photocopies (pour le premier cours uniquement) !

Ne comptez pas trop sur le partage de matériel en ce début d’année : deux étudiants sur un portable, ce n’est pas très compatible avec la distanciation sociale qui s’impose… Le mobile de chacun est une meilleure alternative, car rares sont les apprenants qui ne l’ont pas sur eux en permanence (avec un forfait data) !

Et, pour la petite histoire, j’écris cet article d’une résidence de vacances où le  WiFi  n’est pas dans les appartements, la connexion 4G erratique… En résumé, un galop d’essai avant la reprise…

Bonne rentrée !

Une année universitaire sous le signe de l’incertitude, ça se prépare avec soin…

Le confinement long et généralisé que nous avons connu a sérieusement hypothéqué la croissance économique du pays, et un nouveau scénario de ce type semble aujourd’hui exclu… En attendant, la situation sanitaire étant loin d’être stabilisée, nous devons nous préparer à aborder une année difficile, éventuellement ponctuée d’épisodes de reconfinements ciblés.

En clair, une fois passée la phase de jonglage de la fin d’année universitaire, les acteurs de la formation supérieure ont été très nombreux à… se consacrer pleinement à leurs vacances…

Si le « bricolage » en urgence pour passer à une formation à distance était tout à fait admissible en mars dernier, il le deviendra beaucoup moins à compter de septembre. On ne pourra plus arguer de l’effet de surprise !

Une préparation « sérieuse » de la rentrée se fait en amont, dès la fin de l’année universitaire et dans les semaines qui précèdent celle à venir. Mais il faut reconnaître que les établissements ont également un gros travail administratif à assurer à ce moment de l’année. Rajouter une reconsidération pédagogique globale est une surcharge que tous ne peuvent pas assumer.

Pour ceux qui n’ont pas anticipé suffisamment, un travail de fond peut – et doit – être amorcé dès que les tâches urgentes auront été effectuées.

Concrètement, dans quel sens travailler ?

Côté établissements

Il s’agit de mener une véritable politique de conduite du changement, pour développer l’usage du numérique éducatif en face-à-face, afin, notamment, de faciliter la navigation entre présentiel et distanciel, dans un esprit « omnicanal ». Quelques investissements sont indispensables en amont…

  • S’assurer d’avoir une connexion Internet haut débit correctement dimensionnée, et ce, dans toutes les salles (je vous assure qu’il est encore possible aujourd’hui de devoir utiliser son téléphone en point d’accès dans les locaux d’un organisme de formation…) ;
  • Avoir une installation électrique permettant de brancher les portables dans les salles, dans le respect des normes de sécurité (trois prises pour 30 personnes, et un lacis de rallonges et de multiprises – quand on peut en trouver – c’est, hélas, une situation très banale…) ;
  • Favoriser le BYOD (Bring Your Own Device), en communiquant sur la nécessité, pour les étudiants, d’avoir un ordinateur portable ;
  • Faire l’acquisition du matériel indispensable (visio-projecteurs, connectique, ordinateurs portables de prêt…) ;
  • Se doter d’une « vraie » plateforme d’apprentissage en ligne (couplée, si besoin, avec des applications tierces) ;
  • Former une personne dédiée à son administration ;
  • Inciter les enseignants et formateurs à y déposer leur matériau pédagogique ;
  • Assurer la formation et le support des étudiants et formateurs à l’utilisation des outils numériques, dont la plateforme de e-learning ;
  • Favoriser la communication avec les étudiants, de l’administration et des formateurs, en utilisant des outils normalisés (notamment la plateforme), de manière habituelle (hors période de « crise ») ;
  • Favoriser l’utilisation du numérique dans l’enseignement en présentiel, par une formation appropriée des formateurs dans le champ pédagogique ;
  • Considérer un changement de rôle des formateurs/enseignants (temps de présence v/s mission, exposé des savoirs v/s accompagnement et facilitation…) ;
  • Penser à des modalités d’évaluation transposables au distanciel ;
  • Évaluer les dispositifs pédagogiques mis en place, pour les améliorer en permanence ;
  • Ne pas oublier les contraintes de sécurité informatique et contraintes juridiques (RGPD , droit d’auteur, droit à l’image…) liées à l’utilisation des outils numériques !

Côté enseignants et formateurs

  • Se doter d’un ordinateur portable « personnel » (ne pas se contenter d’un matériel commun à toute la famille…) ;
  • Se former dans le domaine pédagogique et numérique. Les ressources sont légion sur le Web ! Il faut être un peu proactif et ne pas tout attendre de son employeur…
  • Tester des applications de collaboration et de communication en ligne (outils de quiz, de tableau partagé, de visio…) ;
  • Mener une veille disciplinaire continue sur le Web, pour se constituer une « banque » de ressources externes à exploiter dans ses séances… en présentiel ou en distanciel ;
  • Affiner, si nécessaire, ses progressions pédagogiques (objectifs pédagogiques par séance, liste de ressources…), pour pouvoir, si besoin, les partager avec les étudiants ;
  • Rendre les étudiants plus « acteurs » de leur formation en augmentant la place accordée aux activités ;
  • Scénariser chaque séance avec le plus de précision possible, en distinguant les situations d’apprentissage qui peuvent être réalisées, le cas échéant en asynchrone/autonomie ;
  • Rédiger avec précision les consignes qui sont habituellement données oralement ;
  • Numériser progressivement les « blocs » constituant les séances (contenus, activités, évaluations), en leur donnant des titres explicites ;
  • Choisir une plateforme où héberger ce qui sera mis à la disposition des étudiants, si l’établissement n’en a pas et/ou en cas d’intervention dans plusieurs établissements pour enseigner la même chose (un sujet que j’évoquerai très prochainement) ;
  • Vérifier que les contenus y seront consultables sur téléphone, et non uniquement sur un écran d’ordinateur ;
  • Habituer les étudiants à s’y rendre, pour accéder au matériau de cours, pendant les séances en présentiel ;
  • Choisir (si vous êtes libre, à ce niveau là) des modalités d’évaluation facilement transposables au distanciel… sans perte d’exigence et de « sécurité » (éviter la « triche »).
  • Donner aux étudiants un moyen de vous contacter en dehors des cours… et leur répondre dans un délai raisonnable !

Un petit tip supplémentaire : l’enseignement par projet est particulièrement bien adapté à un passage au distanciel.

Et les étudiants dans tout ça ?

Le confinement n’en a pas plus fait des étudiants en distanciel qu’il n’a fait des formateurs des pros du distanciel ! Nombre d’entre eux ont disparu dans la nature pour de bonnes ou mauvaises raisons.

Paradoxalement, cette génération qui passe sa vie sur Instagram ou sur Snapchat, a parfois un peu les deux pieds dans le même sabot pour utiliser le numérique professionnel : incapacité à chercher de l’info sur le Web, difficulté à utiliser certaines applications… Sans compter qu’au-delà des considérations financières, certains étudiants trouvent tout à fait naturel d’avoir un smartphone haut de gamme, mais pas d’avoir un ordinateur portable…

De leur côté, ils devront, notamment :

  • Investir, si possible, dans un portable personnel ;
  • Prendre l’habitude d’être plus autonomes (ne pas avoir besoin qu’on regarde par-dessus leur épaule pour faire les activités demandées) ;
  • Travailler en mode essai/erreur, au lieu d’attendre toujours des réponses à leurs questions (sans fin) pour démarrer une activité ;
  • Apprendre à travailler en groupe à distance et/ou à échanger sur le cours (non, les réseaux sociaux ne sont pas réservés à ce qui est perso !).

Alors oui, il y a du pain sur la planche, mais le jeu en vaut la chandelle ! Au-delà d’une modernisation indispensable des modalités d’enseignement, favoriser la flexibilité est un enjeu essentiel pour qui voudra tirer son épingle du jeu dans un secteur extrêmement concurrentiel, et dans un contexte où la nécessité de travailler à distance risque de se manifester de manière régulière.

Non, le confinement n’a pas fait de tous les acteurs de la formation des pros du distanciel !

L’impossibilité d’enseigner en présentiel en cette fin d’année universitaire a imposé aux établissements et aux formateurs de se mettre au distanciel dans l’urgence, et, pour nombre d’entre eux, sans préparation, voire sans aucune aide.

Je n’évoquerai pas ici les enseignants qui ont disparu des radars pendant plusieurs mois, ni, à l’opposé, ceux qui ont déjà une bonne expérience des outils numériques éducatifs et de l’enseignement en ligne, pour me concentrer sur ceux qui ont essayé de dispenser leur cours et de garder le contact avec leurs étudiants pendant la fermeture des établissements, sans connaissance préalable dans le champ de l’enseignement à distance.

Le constat

Les situations étaient très différentes d’un établissement à l’autre. Si les universités sont, pour la plupart, dotées depuis longtemps de leur propre plateforme d’apprentissage en ligne, et d’un service de support aux équipes éducatives, ce n’était pas le cas de nombreux petits organismes de formation privés, qui ont souvent adopté dans l’urgence une plateforme collaborative, par exemple Microsoft Teams, et/ou un ensemble d’applications en ligne.

Il est difficile, voire impossible, de dresser un panorama exhaustif des moyens qui ont été employés, mais il s’est agi essentiellement :

  • de mettre des matériaux de cours (produits par le formateur ou externes) et des énoncés d’activités à la disposition des étudiants, au moyen de plateformes variées (moyens asynchrones) ;
  • d’animer des webinaires, classes virtuelles, chat, et/ou de passer des appels visio ou téléphoniques (moyens synchrones) ;
  • de pratiquer des évaluations synchrones ou asynchrones (quiz, devoir à rendre, oral en visio…).

Pouvez-vous revendiquer d’être un pro du distanciel, si vous avez reconnu vos pratiques dans la description qui précède ? Eh bien, non, cela ne suffit pas !

Distanciel v/s présentiel à distance

  • Tout d’abord, l’emploi du temps des apprenants a souvent été conservé en l’état : l’enseignant était censé intervenir sur un créneau donné.

Or, si certaines activités synchrones peuvent être intégrées à un enseignement 100% en ligne, sous la forme de classes virtuelles, par exemple, ou encore de mentorat, le travail est globalement réalisé en autonomie, au rythme de l’apprenant. La « pédagogie » passive des fesses sur la chaise n’est pas de mise dans ce contexte. Le digital learning exige de l’apprenant d’être actif.

  • Ensuite, avez-vous supprimé l’aspect « magistral » du cours, lors de vos sessions en visio ? Celui où vous parlez face à votre public, sans possibilité d’interaction ?

Si ce n’est pas le cas, sachez que dans le cadre d’un véritable e-learning, le matériau de cours est généralement disponible sous forme textuelle et/ou en vidéo, et consulté/assimilé par l’apprenant à son propre rythme. Les périodes synchrones sont réservées à des explications et du soutien. Cette organisation est assez logique : la valeur ajoutée d’un formateur n’est pas de délivrer des contenus en direct, alors que ces derniers sont « statiques », mais de les expliquer et de répondre aux questions des apprenants.

  • Par ailleurs, étiez-vous joignable/répondiez-vous aux sollicitations des étudiants en dehors des heures de « cours » à proprement parler ?

Dans le cadre d’une « vraie » formation en ligne, l’étudiant travaillant à son rythme a besoin d’avoir des réponses à ses questions au moment où il se les pose, ou, au moins, dans un délai raisonnable.

  • Enfin, la façon dont vous avez dispensé vos cours a-t-elle été vraiment efficace pour permettre aux étudiants d’acquérir les compétences visées ?

Objectif atteint, me direz-vous, si on se réfère aux taux de réussite mirifiques aux examens cette année ! Vu la façon dont se sont souvent passées les évaluations, on peut fortement en douter… Ce n’est que l’année prochaine, si la « bienveillance » revient à un niveau habituel, que les dégâts seront palpables.

En fait, le contexte de l’enseignement totalement à distance est, pour les étudiants, très différent de celui de l’enseignement en face-à-face. Le taux élevé de décrochage que connaissent les formations en ligne en témoigne. Les modalités pédagogiques doivent permettre de surmonter des écueils qui sont nombreux, contrairement à ce que la flexibilité de cet enseignement peut laisser penser.

Adopter de nouveaux outils nécessite toujours un temps d’adaptation, et vous êtes parvenu à vous adapter, si vous ne les utilisiez pas déjà. Bravo, car c’est une compétence nécessaire, bien que non-suffisante, pour moderniser votre façon d’enseigner et profiter pleinement de toutes les possibilités que vous offre le numérique dans ce domaine !
Mais les outils… ne sont que des outils !

En bref, l’enseignement que vous avez dispensé n’était généralement pas de l’enseignement en ligne, mais plutôt un « présentiel en ligne », transposition « moderne » de la classe au sens physique du terme.

Vers une amélioration des pratiques

Une première étape a été franchie, mais le chemin reste long à parcourir, pour qui souhaite exercer durablement son activité à distance ! Reconsidérer le rôle du formateur et changer son approche pédagogique permettra de passer à l’étape suivante. Il est indispensable d’en être conscient pour continuer à adapter ses pratiques dans un environnement en perpétuel changement.

La solution ? Il n’y a pas de miracle : mener une veille didactique et technologique, expérimenter sans cesse, se former… en ligne, et évaluer ses propres pratiques, en se confrontant notamment au retour des apprenants, dans une logique d’amélioration continue.

Bien entendu, les formateurs et enseignants ne sont pas les seuls maîtres du changement notable qu’il faut mettre en place ! Les établissements et organismes de formation ont un rôle essentiel à jouer : en assouplissant le cadre temporel de la formation, en procurant aux étudiants et formateurs les applications nécessaires, ainsi qu’en leur assurant formation et support ! Le statut d’indépendant de nombreux formateurs intervenant dans des établissements d’enseignement supérieur privé ne facilite pas les choses : peur de partager son matériau pédagogique, manque d’implication, parfaitement justifié, en dehors des heures payées… et manque de confiance en leurs formateurs de la part des organismes, sont autant de freins supplémentaires à un changement de cap qui est pourtant nécessaire.