Former et étudier avec le numérique dans le supérieur

Mois : septembre 2020

Pour ou contre les portables/tablettes/mobiles en cours ?

Il faut reconnaître qu’il existe encore, dans certains établissements et/ou disciplines, une frilosité à tolérer l’ordinateur portable en cours. Quant au smartphone, son usage pendant les formations est souvent purement et simplement interdit !

En dehors de quelques motifs « matériels » du type « le bruit de la frappe au clavier devient insupportable quand il y a trop de monde dans la salle », les raisons sont essentiellement d’ordre logiciel : les étudiants ont, en effet, grâce à leurs outils, la possibilité de faire autre chose pendant les cours ! Jouer ou communiquer sur les réseaux sociaux, par exemple…

Il s’agit là d’une vision passéiste de l’apprentissage, qui conduit à se priver de nombreuses possibilités d’activités pédagogiques ! Par ailleurs, comment peut-on demander au numérique de servir de vecteur de l’enseignement en cas d’impossibilité d’assister aux formations, quand on bannit son utilisation en présentiel ? L’étudiant serait donc capable, chez lui, d’utiliser son matériel pour se concentrer sur ses cours en ligne, quand il s’empresserait de s’en servir pour se distraire pendant ses périodes de formation ? Il y a là, au mieux, une incohérence, au pire de la mauvaise foi : je reconnais implicitement que mon cours est tellement barbant que les étudiants vont avoir envie de faire autre chose, donc je les en empêche, plutôt que de remettre en question ma façon d’enseigner…

Bien entendu, ce que je vais évoquer ici ne concerne pas les matières « techniques » dans lesquelles l’usage d’outils numériques est indispensable. Pour ces dernières, les établissements mettent souvent à la disposition des étudiants/enseignants des salles informatiques. Cela dit, il n’est pas rare, également, qu’ils aient recours au BYOD (Bring Your Own Device), pour des raisons logistiques/de budget évidentes.
Par ailleurs, il ne s’agit pas non plus de justifier l’utilisation du matériel à des fins personnelles. C’est de pédagogie, dont il est question ici… comme d’habitude !

Quelques questions sur le sujet…

Y a-t-il vraiment une distinction à faire entre portable, tablette et mobile ?
Techniquement, pas vraiment ! Une tablette et un téléphone ont un système d’exploitation, et des applications donnant accès à la plupart des fonctionnalités basiques que l’on attend de son portable… D’ailleurs, quand leurs aînés préfèrent l’ordinateur pour certaines activités, les jeunes ont tendance à utiliser leur mobile pour à peu près tout ce qui nécessite un accès au Web. Question de génération… Une distinction majeure, me direz-vous : l’interface de saisie ! On va y venir plus loin.

Comment être sûr que les étudiants ne font pas autre chose pendant les cours ?
Il n’y a aucun moyen d’en être sûr… sauf à passer son temps à circuler dans la salle, ce qui est incompatible avec certains formats de présentiel, comme le cours d’amphi. Mais… comment être sûr qu’ils écoutent, même sans outils ? Dormir les yeux ouverts/faire des batailles navales, et j’en passe…, cela ne date pas d’hier ! Pas besoin de matériel high-tech pour s’occuper d’autre chose que du cours… avec plus ou moins de discrétion…

Et si mes étudiants enregistraient/filmaient mon cours ?
Là aussi, le problème n’est pas neuf ! On avait déjà ce souci avec les dictaphones. Et, croyez-vous vraiment pouvoir éviter une captation « sauvage » de votre formation en interdisant les portables sur les tables… sauf à fouiller les étudiants à l’entrée, bien entendu, ou à leur demander de déposer leur portable à l’entrée du cours ?

Mais à quel usage « autorisé » cela peut-il leur servir, si je ne propose pas d’activités numériques ?

Regarder l’heure !
Eh oui, cela peut paraître bizarre pour les « anciens »… dont je fais partie, mais les jeunes ne sont pas nombreux à avoir une montre au poignet ! Pour quoi faire, quand le « couteau suisse » mobile est à portée de main ?

Saisir le cours
Nombreux sont, encore, hélas, les profs qui, à défaut de taper à un doigt (on est, quand même en 2020), écrivent à la main beaucoup plus vite qu’ils ne saisissent au clavier. Certains ont du mal à concevoir que leurs étudiants ne fonctionnent pas comme eux. Et pourtant… C’est vrai que l’enseignement français est en retard sur ce point, et que la capacité des jeunes à taper à dix doigts est clairement très très loin de ce que pouvaient faire les dactylos dans les décennies qui précèdent. Néanmoins, certains se débrouillent pas mal. Pourquoi les empêcher de le faire ?
Seuls les ordinateurs portables sont dotés, nativement, d’un clavier permettant une saisie efficace. Cependant, il est tout à fait possible d’adjoindre un « vrai » clavier à une tablette ou à un mobile !

Photographier le tableau
Quand l’enseignant écrit sur un tableau blanc ou noir, ou encore sur un paperboard, pas d’autre moyen pour les élèves que de copier… ou de le photographier ! Ce qui est quand même plus pratique ! J’entends déjà certaines voix s’écrier que recopier permet d’apprendre. Synthétiser, certainement, recopier, j’émets de sérieuses réserves. Qui n’a jamais noté, sous la dictée, un texte, ou recopié des documents… sans même savoir ce qu’il écrivait ? Et puis est-il vraiment judicieux de « gaspiller » les heures de face-à-face pour faire de la copie ?

Rechercher de l’information
Rechercher une info en cours n’a rien d’exceptionnel ou de choquant. Pour cela, tous les outils électroniques font aussi bien l’affaire les uns que les autres. À condition d’avoir du réseau, bien entendu !

Noter le travail à effectuer dans son agenda
J’ai été amusée de voir à quel point nombre de mes étudiants étaient encore accros aux agenda papier ! C’est un constat intéressant pour comprendre que la transition vers le numérique n’est pas plus évidente pour les profs que pour les apprenants. Mais bon, les fans des agendas électroniques existent néanmoins. J’en fais partie, forcément. Quand on me donne un rendez-vous, je sors mon mobile pour le noter sur mon Google Agenda. Si on me l’interdisait, je noterais ça sur le coin d’une feuille, avant de le reporter plus tard… ou de perdre la feuille…

Être pragmatique pour dépasser les problèmes

Tout le monde est, aujourd’hui, équipé d’un smartphone – en tout cas, tous ceux, ou presque, qui poursuivent des études supérieures. Les profs, eux-mêmes, ont souvent leur mobile sur la table. Dans ces conditions, comment exiger de l’étudiant qu’il le remise ? Il s’agit d’un objet de la vie courante, qui fait partie de nos vies au quotidien. Peut-on valablement demander d’en faire abstraction pendant les séances de formation ? Il me semble plus judicieux de poser des règles, pour apprendre à s’en servir avec discernement.

Poser les règles d’utilisation dès le départ
la question n’est pas d’interdire les outils… mais certains usages. Poser clairement que le mobile ne sera utilisé qu’à des fins pédagogiques et qu’il reste, bien entendu, interdit d’avoir son téléphone autrement qu’en silencieux… ou de répondre à des appels, est la base ! Même chose pour le portable, bien entendu.

Faire des cours vivants !
Quelle meilleure garantie que la grande majorité des étudiants suivront la séance, et n’utiliseront donc leurs outils numériques qu’à bon escient !

Utiliser les bénéfices de ces outils pour améliorer vos pratiques d’enseignement !
Last, but not least, les « electronic devices » peuvent être les alliés du prof ! Là, je ne vais pas rentrer dans le détail, car on évoquera les atouts du numérique pour doper les apprentissages tout au long de ce blog.
Une petite mise en bouche, cependant, avec ces retours d’expériences d’enseignants de la faculté de médecine de Sorbonne Université.

Au fait, je viens de faire l’acquisition d’un joujou, que je vais m’empresser de tester, et à propos duquel je vous promets une review : une tablette Android A4, avec un écran e-ink, qui va me permettre de prendre des notes, lire et annoter mes pdf, accéder au Web… Alors, outil interdit ou autorisé ?

Illustrez légalement vos supports numériques

Aujourd’hui, plus de ressource numérique éducative sans image, fixe ou en mouvement !

Les raisons sont nombreuses. Sur le fond, l’image informative illustre le propos et permet de donner corps au texte, voire de le remplacer, lorsqu’il s’agit d’une infographie ou d’un schéma, par exemple. Mais ça, ce n’est pas nouveau. Sur la forme, l’image, même décorative, rythme la lecture et… décore les pages ! Cela peut paraître anodin, mais a un impact sur la concentration du lecteur, et également sur l’estime qu’il a de l’auteur du cours (son professionnalisme et son modernisme). Et ne caricaturons pas, en limitant le besoin d’images à un public jeune !

Encore faut-il que l’image soit « pro »… et que l’on ait le droit de l’utiliser, ce qui n’est, hélas, pas toujours le cas…

Les infos qui suivent seront, je l’espère, utiles aux apprenants, pour leurs devoirs numériques, autant qu’aux formateurs pour leurs supports et cours en ligne… ainsi qu’à tous les professionnels qui insèrent des images dans leurs documents numériques !

Respectez le droit d’auteur

Le Web regorge d’images, et rien n’est plus rapide que de se servir. Et pourtant, le droit d’auteur s’applique aux œuvres que vous y trouvez, au même titre que pour les documents papier ! Le droit applicable n’est pas le même selon les pays. C’est de droit français qu’il sera question ici.

Petite mise au point juridique : par défaut, en droit français, toutes les œuvres de l’esprit sont protégées par le droit d’auteur. Et pour utiliser une œuvre protégée, il faut l’autorisation de l’auteur (qu’il vous accordera éventuellement moyennant finance), et créditer ce dernier.

Vous pensez être couvert par l’exception pédagogique ? Méfiez-vous, car la notion est très restrictive. Vous vous dites qu’un usage auprès d’un public très limité d’apprenants n’est pas un problème ? Pas vu, pas pris, certes ! Mais, au-delà de la malhonnêteté de cette pratique, vous devrez passer en revue toutes les illustrations de vos ressources, si vous voulez les réutiliser dans un contexte plus large ! Autant passer un petit peu de temps en amont pour se prémunir contre cette tâche fastidieuse.

Il existe des banques d’images qui vendent des visuels, par exemple Shutterstock. Mais rassurez-vous, vous pouvez aussi trouver votre bonheur gratuitement et légalement, en utilisant des illustrations désignées couramment comme « libres de droit », quoi que cette notion n’existe pas en droit français, c’est-à-dire dans le domaine public, ou sous licence Creative Commons.

Le domaine public

Le principe

En France, une œuvre « tombe » dans le domaine public 70 ans après la mort de son auteur. C’est plutôt restrictif. Heureusement, un auteur peut également décider de mettre d’office son œuvre dans le domaine public !

L’attribution

Dans ce cas, il n’y a pas d’attribution nécessaire (vous n’êtes pas obligé de citer votre source). C’est très confortable pour toutes les images utilisées à des fins plutôt décoratives !

Les sources

Difficile d’être exhaustive… alors je n’essaierai même pas… Pour des images de qualité, ayant une finalité plus décorative que de fond, je trouve généralement mon bonheur sur Pexels !

Les licences Creative Commons

Quand on cherche des images techniques et/ou assez spécifiques, il est généralement nécessaire de se tourner vers les licences CC.

Un exemple tout bête : dans le cadre de mes missions pour l’association  LearnAppeal, j’ai conçu des cours traitant de sujets hyper glamour comme, par exemple la gestion des déchets solides. Inutile de vous préciser que la photo d’un incinérateur d’ordures ménagères ne se trouve pas facilement sur Pexels… C’est dans des cas comme ça que les images sous licences CC sont très très utiles !

Le principe

Dans ce cas, votre droit d’utiliser l’image est variable selon la licence exacte . Cela va, du plus permissif au plus strict, du droit, pour vous, d’utiliser l’image à des fins commerciales (y compris en la retouchant, découpant, mixant…) à celui de l’utiliser telle quelle, pour un usage non-commercial uniquement.

Petit bémol : attention aux photos de personnes reconnaissables ! En effet, le droit à l’image (art 9 du code civil) vous interdit, a priori, de les utiliser sans l’autorisation de ces personnes, et ce, même si la photographie est sous licence CC. Il s’agit là de deux choses différentes !

L’attribution

Dans tous les cas, vous devez créditer l’auteur ! Donc, pas top pour la déco…

Les sources

Pas d’exhaustivité, une fois de plus. Je me contenterai de partager avec vous mes sources habituelles, qui m’ont toujours suffi, classées par nature de visuel.

Attention : à l’exception de Wikimedia Commons, les autres sites proposent également des contenus protégés (et payants). Pensez à bien filtrer vos résultats, en spécifiant le type de licence recherché ! Quant à Slide Share, la plateforme sera reprise par scribd fin septembre 2020. Gratuité et licences CC seront-elles toujours de mise ? Wait and see…

Mes tips

  • N’utilisez pas le filtre de Google Search pour sélectionner des images sous licence CC ou dans le domaine public, car cette catégorisation est souvent erronée !
  • Pour trouver des images correspondant à vos besoins, privilégiez les recherches en anglais : les résultats seront beaucoup plus nombreux ! Et n’oubliez pas de tester tous les synonymes.
  • Lorsque vous téléchargez une image, pensez à renommer et classer le fichier dans un dossier approprié, ainsi qu’à noter, dans un fichier à part, tous les éléments dont vous aurez besoin pour l’attribution (nom de l’auteur, titre de l’image, URL, type de licence, date à laquelle vous avez téléchargé le document), en regard du nom de chaque fichier.
  • Vous avez besoin d’une photo et vous ne trouvez pas votre bonheur ? Prenez-là vous-même, quand c’est possible ! Vous ne trouvez pas le schéma de vos rêves ? Produisez-le !
  • Lorsque des personnes apparaissent sur des photos que je vous voulez utiliser, pensez à les rendre difficilement reconnaissables (en floutant ou en rognant l’image).

Et pour info, toutes les photos qui illustrent ce blog sont issues de Pexels… et dans le domaine public !

 

Outils de formation en ligne : dépassez les limites des applications gratuites !

Si la mise en place du confinement en mars dernier a suscité des élans de générosité (intéressés, ne nous voilons pas la face) de la part de certains fournisseurs d’outils de communication et de collaboration en ligne, on peut craindre, aujourd’hui, une contraction du freemium dans le secteur des outils de la formation à distance.

Pour rappel, qu’est-ce que le freemium ? Il s’agit d’un modèle économique dans lequel les fournisseurs de services proposent un accès gratuit à des prestations basiques, et des offres payantes pour bénéficier des fonctionnalités avancées du produit et/ou pour l’utiliser avec un nombre plus important de collaborateurs. Les exemples ne manquent pas sur le Web ! On peut, par exemple citer Trello, Slack, Zoom, Kahoot…

S’il est parfaitement logique pour ces entreprises de monétiser un recours devenu plus systématique et, pour certains, indispensable, à leurs produits… cela n’arrange pas les affaires de nombreux acteurs de la formation !
Deux exemples très récents me viennent à l’esprit dans les outils que j’utilisais, ou dont je conseillais l’utilisation :

  •  MoodleCloud, la version Cloud du LMS Moodle : la plateforme gratuite dans sa version de base (en échange d’un affichage de publicités pour les apprenants), a muté en une période d’essai de 45 jours.
  • Wooclap, une plateforme d’activités interactives et ludiques (sondages, quiz…) ne propose plus, dans son plan gratuit, que des activités de… deux questions. Autant dire que l’outil est inexploitable sans passer à un abonnement payant.

Vous avez été très nombreux à jongler avec des produits gratuits pour dispenser vos formations à distance au cours de ces derniers mois. Mais la donne risquant de changer, il vous faut impérativement anticiper, pour éviter de vous retrouver le bec dans l’eau en cas de nouveau recours imposé au distanciel !

Quelques conseils pour faire face aux changements de politique des services en ligne que vous utilisez :

Pensez à l’installation d’un LMS (Learning Management System) pour héberger vos contenus

Que vous soyez formateur indépendant ou à la tête d’un petit organisme (les grands en sont déjà pourvus), vous pouvez vous doter d’un outil de ce type pour un prix modique. Les fonctionnalités sont riches et spécifiquement pensées pour la formation. Pour vos étudiants, c’est un point d’accès unique à vos cours et supports, qui évite la multiplication des comptes en ligne.

Moodle  ou WordPress/LearnPress sont des produits libres que vous pouvez installer facilement sur un VPS (serveur virtuel). Un prochain article détaillera les options qui s’offrent à vous en ce qui concerne Moodle.

Ainsi, vous aurez la main sur votre plateforme et ne serez plus tributaire des changements de politique des prestataires de services en ligne !

Scénarisez avant d’implémenter

Ne concevez jamais vos contenus (exposés, quiz…) directement sur un outil en ligne !

Faire un brouillon finalisé de vos cours et supports en local est la garantie que vous pourrez implémenter rapidement votre travail sur la plateforme de votre choix (par des copier/coller à la chaîne)… mais aussi que vous pourrez le faire au moyen d’un autre outil, si le premier n’est plus accessible ou devenu payant.

Et, bien entendu, n’oubliez pas de nommer et classer correctement tous vos fichiers pour pouvoir y accéder facilement en cas de besoin !

Testez des produits alternatifs

Il existe toujours plusieurs applications en ligne permettant de faire peu ou proue la même chose.

Explorez les possibilités à vos heures perdues, et notez bien les URL ! Cela vous permettra de basculer sur une autre solution, en cas de modification de fonctionnement de votre outil habituel.

Souscrivez un abonnement payant à votre/vos outils préférés

La gratuité a ses limites, et c’est bien légitime pour les prestataires de services en ligne d’attendre une rémunération des services proposés. Vous-même ne dispensez pas vos formations gratuitement !

Certaines applications sont remplaçables, d’autre pas. Si l’abonnement à un outil que vous utilisez largement est accessible, cela vaut peut-être le coup de le souscrire.

Détournez des produits de leur usage originel

Les produits Google existent depuis longtemps, s’enrichissent régulièrement de petits nouveaux… et le risque que l’on vous demande un jour de mettre la main au porte-monnaie est très réduit ! Or, au-delà de la plateforme Google Classroom, dédiée à l’hébergement de vos formations, vous pouvez concevoir, avec un peu d’imagination, de nombreuses activités pédagogiques au moyen d’un document partagé, ou encore d’un formulaire !

En résumé, soyez organisé et menez une veille permanente. Une solution générique qui permet de résoudre bien des problèmes !