Le problème des ressources
On a vu que la résistance des formateurs au changement peut être un sérieux frein au développement du numérique éducatif pour certains organismes de formation. Mais il ne s’agit, hélas, pas du seul obstacle ! En effet, une fois passé ce premier écueil va se poser la question des ressources humaines et financières qui peuvent être affectées à un projet de modernisation. Et là, le bât blesse… une fois de plus !
Des compétences digitales à développer
Une montée en compétence des formateurs va souvent être nécessaire pour leur permettre de connaître le champ des possibles, et de faire le choix pédagogique des outils adaptés à chaque situation d’apprentissage. Ensuite, il leur faudra être capables de se servir des applications dédiées. Mais cela ne suffit pas ! Seule une pratique régulière leur permettra d’améliorer leur efficacité avec ces outils. La courbe d’apprentissage est d’autant plus longue qu’une utilisation efficiente du numérique est nécessairement contingente ! On ne va pas utiliser les mêmes méthodes/outils encore et encore, au simple motif que l’on sait faire. Ce serait, au final, à peu près aussi engageant pour l’apprenant que de débiter des contenus du haut de son estrade en toutes circonstances, car potentiellement inadapté au contexte, sans compter que de l’absence de surprise naît la lassitude… Or, chaque outil a ses particularités… et le temps de prise en main qui va avec…
Et là, on en vient au problème majeur : le temps que les formateurs peuvent consacrer à la production de ressources numériques !
Le temps n’est pas extensible…
Si certains arguments des réticents au changement évoqués dans l’article précédent peuvent être contestables, celui-là est très objectif. OK, monter en compétence et concevoir des contenus numériques peuvent faire gagner du temps sur le long terme… mais comment dégage-t-on la mise de départ indispensable au lancement de la machine ?
Même si l’implication de nombreux formateurs salariés* les conduit à ne pas travailler les yeux rivés sur leur montre, il y a des limites. Nier que l’investissement est chronophage ne peut être que contre-productif et renvoyer à leur réticence ceux qui avaient accepté de s’investir dans un projet de modernisation de leurs outils et pratiques pédagogiques. Un beau gâchis quand on connaît la résistance au changement qui prévaut ! C’est à la direction des OF de rendre cet investissement possible, en lui dédiant du temps venant en diminution de la charge de travail habituelle, et/ou en mettant à la disposition des acteurs des moyens supplémentaires.
De quels moyens parle-t-on ? De moyens humains (référent numérique, ingénieur pédagogique…) pour accompagner et décharger les formateurs d’une partie des tâches de création et mise à jour de parcours, de modules ou d’activités, et/ou de moyens financiers pour externaliser la conception de ressources.
… et le budget n’est pas infini non plus !
Mais tout cela a un coût non négligeable ! Si les salaires moyens des responsables ou coordinateurs pédagogiques… ne sont pas très élevés dans les petits OF de province, ceux des personnels plus techniques – à même d’administrer une plateforme de LMS, de former leurs collègues, de concevoir et d’implémenter des contenus… – sont plus conséquents… même en dehors de l’Île-de-France ! Par ailleurs, inutile de rappeler qu’un salaire annuel de 30000 € brut, s’il n’est pas mirobolant pour celui qui le perçoit, représente en réalité un coût beaucoup plus élevé pour l’entreprise !
Quant à l’externalisation de la conception, si elle offre d’avantage de flexibilité, elle ne permet pas de faire l’économie du temps de production qui est, comme on l’a dit très élevé. Et le coût s’en ressent, cela va de soi ! Si l’on se réfère au livre blanc des tarifs du digital learning de l’ISTF, le coût moyen d’un module d’e-learning sonorisé et interactif de 20 minutes sur mesure se situerait autour de 6850 €. Ce n’est qu’indicatif, car le coût dépend du degré de digitalisation, d’interactivité et de l’usage qui en est projeté (totale autonomie, pendant une séance…), mais un point reste tout de même à retenir : le sur-mesure n’est pas à la portée de toutes les bourses… Heureusement que l’on peut faire appel au prêt-à-porter… ou au DIY** !
Une piste à exploiter : des ressources prêtes à l’emploi !
Une alternative bien moins coûteuse que la conception de ressources « à façon », surtout lorsque l’on a peu d’apprenants : l’achat de contenus « sur étagère ».
De quoi parle-t-on ? Il s’agit de parcours complets, de modules, de micro-ressources (de courtes vidéos thématiques, par exemple), de livres ou de magazines au format numériques… que vous allez pouvoir utiliser dans vos formations.
Vous avez peut-être tout de suite pensé à Pix (développement des compétences numériques) ou au Projet Voltaire (maîtrise de l’orthographe et de l’expression) ? Effectivement, ces produits en font partie. Mais ce ne sont pas les seuls ! On peut, par exemple, également citer les cours et ouvrages des éditions ENI (Informatique, bureautique, webdesign…), de Skillsday (différentes thématiques dans le développement et l’efficacité professionnelle) … ou encore votre serviteur (parcours d’insertion professionnelle pour les étudiants de premier cycle)… Ce ne sont que des exemples !
Deux types de modalités peuvent être proposées :
- le SAAS (Software as a Service) : les contenus sont sur la plateforme de votre fournisseur sur laquelle vos apprenants doivent se rendre pour accéder aux ressources. Cela implique qu’ils sortent de votre propre plateforme, mais aussi de multiplier leurs logins/mots de passe, si vous avez plusieurs fournisseurs, ce qui n’est pas idéal à de nombreux égards…
- la mise à disposition de fichiers (principalement au format scorm) accessible sur la plateforme du client. Cette dernière possibilité rend votre choix d’utiliser des ressources externes transparent pour l’utilisateur, mais tout le monde ne la propose pas.
Certains fournisseurs en SAAS – non cités ici – ont une approche assez binaire : si vous les choisissez, vos apprenants peuvent accéder à toutes les ressources de la plateforme. En fait, cela revient très cher au final (et ne concerne donc pas les petits OF dont il est question dans cet article), et est, par ailleurs, incompatible avec le fait de garder la main sur le choix des éléments que l’on souhaite incorporer à ses formations !
Dans tous les cas, vous serez en général facturé en fonction du nombre d’étudiants inscrits (tarif généralement dégressifs) et de la durée de l’accès. Quant au coût moyen par apprenant, cela n’a pas de sens de l’évoquer, car il n’y a pas encore vraiment de standard en la matière, et les différences de prix peuvent être très importantes.
À noter que certains fournisseurs de plateformes de LMS proposent également des contenus sur étagère comme service complémentaire à leur offre, à l’instar de Netopen.
Au-delà des véritables modules complets sur étagère, il est également possible de proposer des ressources brutes additionnelles aux apprenants, ou encore de fournir ces ressource aux formateurs, qui pourront s’en servir dans le cadre de leurs séances : bibliothèques en ligne, abonnement à des magazines, ou encore à des vidéos…
Une alternative plus gourmande en temps, mais ne nécessitant aucune mise de fond, dans cette dernière option DIY : les ressources gratuites. Le web en fourmille ! Il peut s’agir de ressources nativement ouvertes à la communauté (https://www.oercommons.org/, https://ed.ted.com/, …), mais également de blogs d’enseignants et de formateurs… qui partagent leurs ressources pédagogiques, dont des exercices, ou encore d’articles divers et variés pouvant servir de base à des activités. En effet, il ne faut pas oublier que l’on peut en toute légalité incorporer des liens dans ses supports ! Cela permet de se constituer pas mal de « briques » à exploiter dans les formations en présentiel ou en distanciel. Il n’y a plus qu’à ajouter le mortier !
Pour clore ce petit tour d’horizon, qui n’a pour objet que de vous servir de point d’entrée pour aller plus loin, n’oublions pas que de nombreuses régions et autres acteurs de la formation professionnelle (OPCO, FFP…) ont accordé/accordent des aides à la modernisation et à la digitalisation des formations des OF, sous une forme financière et/ou de mise à disposition de prestataires. Un bon viatique pour mettre le pied à l’étrier !
*C’est essentiellement des formateurs salariés que l’on parle ici. En effet, les formateurs non-salariés ont tout intérêt a prendre sur leur temps personnel pour développer des ressources qu’ils vont pouvoir optimiser lors de leurs interventions dans plusieurs organismes !
** Do It Yourself = bricolage