L’étude de cas a vu le jour à Harvard, au 19e siècle, pour l’enseignement du droit. Pas d’innovation pédagogique en perspective, donc, me direz-vous ! Erreur ! Si l’on s’en tient à une définition très large d’une activité pédagogique dans laquelle les apprenants sont confrontés à la description d’une situation concrète dans laquelle se pose(nt) un ou plusieurs problème(s) qu’ils vont être invités à résoudre, de nombreux “paramétrages” sont envisageables.
Paramètre | Réglage |
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Objet | Les acteurs et le scénario peuvent être imposés, mais vous pouvez également laisser une marge de manœuvre aux apprenants, notamment dans le choix des acteurs. Dans le cas vu dans l’article précédent, il aurait été possible de les laisser sélectionner le gîte rural dont ils souhaitaient refondre le site. Cela aurait, en revanche, nécessité de donner des critères à respecter de façon à ce que le travail démontre bien l’acquisition des compétences. Pour la même raison, une validation de la part des enseignants aurait été utile. |
Rôle de l’apprenant | L’histoire peut être totalement extérieure à l’apprenant, auquel cas ce dernier apportera une liste de conseils distanciés, ou l’impliquer en tant qu’acteur. Dans cette hypothèse, il pourra travailler pour l’entreprise objet du cas en tant que salarié, consultant… |
Réalisme | L’étude de cas se distingue, par son essence même, d’une approche exclusivement théorique, il faut donc à tout prix éviter qu’elle soit hors-sol ! L’étude de cas doit montrer ce qui se passe “dans la vraie vie”. Alors oui, on peut inventer la situation pour différentes raisons : par exemple parce que les informations dont on dispose sur des cas réels sont confidentielles, ou encore parce que l’on n’a pas sous la main un cas réel suffisamment d’actualité pour lequel on dispose de tous les documents dont on a besoin… Mais les cas inventés doivent être réalistes : inspirés d’expériences vécues, ou, au moins, de seconde main (cas des banques d’études de cas), mais pas issues des dires d’un copain qui a un copain qui a un copain qui connaît quelqu’un qui… |
Supports d’information |
Peut-on réellement qualifier d’études de cas des questions un peu pratiques, sans plus d’information ? Difficile de décider arbitrairement de l’endroit où l’on place le curseur entre un exercice du style problème de maths à l’ancienne (“Un agriculteur produit des bottes de paille parallélépipédiques, etc…”) et une “étude de cas”… Cependant, pour apporter l’authenticité mentionnée plus haut, il est important de planter un vrai décor. Les annexes, quelle que soit leur forme (textes, tableaux, graphiques, audio, vidéo…), sont une part essentielle de cet exercice. À vous de faire les bons choix en ce qui concerne leur nature et la quantité des supports ! Et pourquoi pas, lorsqu’il s’agit d’un cas réel, confier aux apprenants la mission de mener des recherches pour se procurer les informations manquantes ? |
Complexité | Si un cas réaliste est nécessairement bâti en fonction des objectifs pédagogiques et du profil des apprenants, il n’en est pas de même d’un cas réel. Pour autant, rien n’impose, évidemment, de détailler l’intégralité de la situation, ni de fournir tous les documents annexes in extenso. Il appartient au formateur de “styliser” certaines informations et de simplifier la description des situations ou problématiques pour adapter le cas à l’audience et faire ressortir les éléments essentiels au regard de la situation d’apprentissage considérée ! |
Gestion de projet | Quoique chef de projet soit une fonction per se, nous sommes nombreux à pratiquer la chefferie de projet à différent degré dans notre job au quotidien ! Cette capacité à nous organiser sans avoir la formation qui convient est facilitée par notre niveau d’études et/ou notre expérience professionnelle. Un apprenant adulte en formation tout au long de la vie n’aura pas la même capacité à planifier ses tâches qu’un étudiant en formation initiale de première année d’études supérieures, ou encore qu’un étudiant de Master ! Selon la nature du public et les attendus en matière de soft skills, vous pourrez demander tous les livrables en un seul bloc, en laissant le soin aux apprenants de s’organiser, ou par étapes détaillées, en leur imposant de respecter un certain rythme. |
Latitude |
Émettre des hypothèses, envisager des solutions alternatives à un problème… Voilà des aptitudes qui dénotent un degré certain de maturité et d’autonomie. Une fois de plus, à vous de voir en fonction de votre contexte, si vous préférez baliser le chemin, ou s’il est nécessaire de laisser de nombreuses portes ouvertes ! |
Guidance | Quid des questions posées/des missions exprimées ? Devez-vous être très explicite, en mode questions fermées, semi-fermées ou semi-ouvertes (le verre à moitié plein ou vide, mais le résultat est le même 😄), voire franchement ouvertes, quand il ne s’agit pas de produire des documents mentionnés explicitement ou suggérés ? Le champ des possibles est très large ! On verra ensemble dans un prochain article qu’on peut carrément aller jusqu’à poser nos questions sous forme de QCM ! |
Modalités de traitement |
Les options au niveau des modalités pédagogiques sont infinies ! Alors on ne va pas pouvoir évoquer tous les paramétrages envisageables ! Juste deux petits exemples pour effleurer le champ des possibles 😉… Traitement individuel ou travail de groupe ? Plein de possibilités… mais qui vont imposer des consignes/aides adaptées ! Une occasion en or d’ajouter l’acquisition de soft skills additionnelles… à condition d’apporter la guidance ad hoc ! Et sur la temporalité, on a évoqué la guidance par étapes, mais ces étapes peuvent aussi se matérialiser par des livrables intermédiaires à des dates fixes, permettant de faire un point global, avec une belle période d’échange et de feed-back. Des éléments à ne pas négliger dans ce type d’exercice ! |
Technologie | Entre le tout papier des concours administratifs ou épreuves de BTS et le tout digital, tant pour les supports d’information, la collaboration, le feedback… que pour les livrables, tous les degrés sont imaginables ! |
Format des livrables | Quand il ne s’agit pas que de répondre à des questions, mais également de produire des documents, ces derniers peuvent être demandés formellement (“rédigez un rapport…”) ou on peut laisser à l’apprenant le soin de déterminer quelle est la meilleure forme à donner à ses productions, pourvu qu’il apporte une réponse au problème posé ! |
Évaluation |
Fil rouge pour expliquer des concepts, en traitant le cas collectivement ? Évaluation formative, pour s’assurer que la théorie est bien un input permettant la montée en compétence ? Moyen pour le formateur de s’assurer que les compétences sont acquises (évaluation sommative) ? Et qui évalue ? Le formateur, les pairs ? Là aussi, le champ des possibles est large ! |
À noter que la plupart de ces choix ne sont pas binaires, mais peuvent être vus comme un continuum.
Les réglages peuvent dépendre de nombreux critères : la matière, l’utilisation qui en sera faite, le temps dont on dispose…, mais le numéro 1 est à mon sens le public et notamment son âge et son niveau d’études. Cherche-t-on à préparer concrètement à l’exercice imminent d’une profession nécessitant de faire preuve d’autonomie d’esprit d’initiative et d’imagination, ou veut-on sensibiliser au monde professionnel et préparer à une approche opérationnelle des apprenants jusqu’alors essentiellement nourris de savoir théorique ? Bon, là, c’est binaire, je l’admets, mais ce n’est qu’une opposition un peu caricaturale !
Si l’on reprend l’exemple donné dans l’article précédent, on a un cas présentant les caractéristiques suivantes :
- Objet : imposé
- Rôle de l’apprenant : héros
- Réalisme : réaliste (et non réel)
- Supports d’information : site web à refondre
- Complexité : simple
- Gestion de projet : donnée (étapes imposées pour la réalisation du travail)
- Latitude : il n’y a pas une bonne solution. Les étudiants peuvent faire preuve de créativité !
- Guidance : questions ouvertes
- Modalités de traitement : travail collectif, traitement progressif, feedback
- Technologie : à tous les étages, des supports d’information aux livrables en passant par les interactions entre étudiants et enseignants !
- Format des livrables : imposé
- Évaluation : oui
Donc avec le niveau d’encadrement idéal pour un jeune public démarrant ses études supérieures 😃 !
Bien sûr, ce panorama n’est pas exhaustif. À vous de le compléter ! À retenir : avec l’étude de cas, ton activité peut “être tout ce que tu veux” 😉.