Il faut reconnaître qu’il existe encore, dans certains établissements et/ou disciplines, une frilosité à tolérer l’ordinateur portable en cours. Quant au smartphone, son usage pendant les formations est souvent purement et simplement interdit !
En dehors de quelques motifs « matériels » du type « le bruit de la frappe au clavier devient insupportable quand il y a trop de monde dans la salle », les raisons sont essentiellement d’ordre logiciel : les étudiants ont, en effet, grâce à leurs outils, la possibilité de faire autre chose pendant les cours ! Jouer ou communiquer sur les réseaux sociaux, par exemple…
Il s’agit là d’une vision passéiste de l’apprentissage, qui conduit à se priver de nombreuses possibilités d’activités pédagogiques ! Par ailleurs, comment peut-on demander au numérique de servir de vecteur de l’enseignement en cas d’impossibilité d’assister aux formations, quand on bannit son utilisation en présentiel ? L’étudiant serait donc capable, chez lui, d’utiliser son matériel pour se concentrer sur ses cours en ligne, quand il s’empresserait de s’en servir pour se distraire pendant ses périodes de formation ? Il y a là, au mieux, une incohérence, au pire de la mauvaise foi : je reconnais implicitement que mon cours est tellement barbant que les étudiants vont avoir envie de faire autre chose, donc je les en empêche, plutôt que de remettre en question ma façon d’enseigner…
Bien entendu, ce que je vais évoquer ici ne concerne pas les matières « techniques » dans lesquelles l’usage d’outils numériques est indispensable. Pour ces dernières, les établissements mettent souvent à la disposition des étudiants/enseignants des salles informatiques. Cela dit, il n’est pas rare, également, qu’ils aient recours au BYOD (Bring Your Own Device), pour des raisons logistiques/de budget évidentes.
Par ailleurs, il ne s’agit pas non plus de justifier l’utilisation du matériel à des fins personnelles. C’est de pédagogie, dont il est question ici… comme d’habitude !
Quelques questions sur le sujet…
Y a-t-il vraiment une distinction à faire entre portable, tablette et mobile ?
Techniquement, pas vraiment ! Une tablette et un téléphone ont un système d’exploitation, et des applications donnant accès à la plupart des fonctionnalités basiques que l’on attend de son portable… D’ailleurs, quand leurs aînés préfèrent l’ordinateur pour certaines activités, les jeunes ont tendance à utiliser leur mobile pour à peu près tout ce qui nécessite un accès au Web. Question de génération… Une distinction majeure, me direz-vous : l’interface de saisie ! On va y venir plus loin.
Comment être sûr que les étudiants ne font pas autre chose pendant les cours ?
Il n’y a aucun moyen d’en être sûr… sauf à passer son temps à circuler dans la salle, ce qui est incompatible avec certains formats de présentiel, comme le cours d’amphi. Mais… comment être sûr qu’ils écoutent, même sans outils ? Dormir les yeux ouverts/faire des batailles navales, et j’en passe…, cela ne date pas d’hier ! Pas besoin de matériel high-tech pour s’occuper d’autre chose que du cours… avec plus ou moins de discrétion…
Et si mes étudiants enregistraient/filmaient mon cours ?
Là aussi, le problème n’est pas neuf ! On avait déjà ce souci avec les dictaphones. Et, croyez-vous vraiment pouvoir éviter une captation « sauvage » de votre formation en interdisant les portables sur les tables… sauf à fouiller les étudiants à l’entrée, bien entendu, ou à leur demander de déposer leur portable à l’entrée du cours ?
Mais à quel usage « autorisé » cela peut-il leur servir, si je ne propose pas d’activités numériques ?
Regarder l’heure !
Eh oui, cela peut paraître bizarre pour les « anciens »… dont je fais partie, mais les jeunes ne sont pas nombreux à avoir une montre au poignet ! Pour quoi faire, quand le « couteau suisse » mobile est à portée de main ?
Saisir le cours
Nombreux sont, encore, hélas, les profs qui, à défaut de taper à un doigt (on est, quand même en 2020), écrivent à la main beaucoup plus vite qu’ils ne saisissent au clavier. Certains ont du mal à concevoir que leurs étudiants ne fonctionnent pas comme eux. Et pourtant… C’est vrai que l’enseignement français est en retard sur ce point, et que la capacité des jeunes à taper à dix doigts est clairement très très loin de ce que pouvaient faire les dactylos dans les décennies qui précèdent. Néanmoins, certains se débrouillent pas mal. Pourquoi les empêcher de le faire ?
Seuls les ordinateurs portables sont dotés, nativement, d’un clavier permettant une saisie efficace. Cependant, il est tout à fait possible d’adjoindre un « vrai » clavier à une tablette ou à un mobile !
Photographier le tableau
Quand l’enseignant écrit sur un tableau blanc ou noir, ou encore sur un paperboard, pas d’autre moyen pour les élèves que de copier… ou de le photographier ! Ce qui est quand même plus pratique ! J’entends déjà certaines voix s’écrier que recopier permet d’apprendre. Synthétiser, certainement, recopier, j’émets de sérieuses réserves. Qui n’a jamais noté, sous la dictée, un texte, ou recopié des documents… sans même savoir ce qu’il écrivait ? Et puis est-il vraiment judicieux de « gaspiller » les heures de face-à-face pour faire de la copie ?
Rechercher de l’information
Rechercher une info en cours n’a rien d’exceptionnel ou de choquant. Pour cela, tous les outils électroniques font aussi bien l’affaire les uns que les autres. À condition d’avoir du réseau, bien entendu !
Noter le travail à effectuer dans son agenda
J’ai été amusée de voir à quel point nombre de mes étudiants étaient encore accros aux agenda papier ! C’est un constat intéressant pour comprendre que la transition vers le numérique n’est pas plus évidente pour les profs que pour les apprenants. Mais bon, les fans des agendas électroniques existent néanmoins. J’en fais partie, forcément. Quand on me donne un rendez-vous, je sors mon mobile pour le noter sur mon Google Agenda. Si on me l’interdisait, je noterais ça sur le coin d’une feuille, avant de le reporter plus tard… ou de perdre la feuille…
Être pragmatique pour dépasser les problèmes
Tout le monde est, aujourd’hui, équipé d’un smartphone – en tout cas, tous ceux, ou presque, qui poursuivent des études supérieures. Les profs, eux-mêmes, ont souvent leur mobile sur la table. Dans ces conditions, comment exiger de l’étudiant qu’il le remise ? Il s’agit d’un objet de la vie courante, qui fait partie de nos vies au quotidien. Peut-on valablement demander d’en faire abstraction pendant les séances de formation ? Il me semble plus judicieux de poser des règles, pour apprendre à s’en servir avec discernement.
Poser les règles d’utilisation dès le départ
la question n’est pas d’interdire les outils… mais certains usages. Poser clairement que le mobile ne sera utilisé qu’à des fins pédagogiques et qu’il reste, bien entendu, interdit d’avoir son téléphone autrement qu’en silencieux… ou de répondre à des appels, est la base ! Même chose pour le portable, bien entendu.
Faire des cours vivants !
Quelle meilleure garantie que la grande majorité des étudiants suivront la séance, et n’utiliseront donc leurs outils numériques qu’à bon escient !
Utiliser les bénéfices de ces outils pour améliorer vos pratiques d’enseignement !
Last, but not least, les « electronic devices » peuvent être les alliés du prof ! Là, je ne vais pas rentrer dans le détail, car on évoquera les atouts du numérique pour doper les apprentissages tout au long de ce blog.
Une petite mise en bouche, cependant, avec ces retours d’expériences d’enseignants de la faculté de médecine de Sorbonne Université.
Au fait, je viens de faire l’acquisition d’un joujou, que je vais m’empresser de tester, et à propos duquel je vous promets une review : une tablette Android A4, avec un écran e-ink, qui va me permettre de prendre des notes, lire et annoter mes pdf, accéder au Web… Alors, outil interdit ou autorisé ?
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